Joe Cocker, chanteur au caractère de chien

Joe Cocker, de son nom complet John Robert Cocker, est un chanteur britannique né le 20 mai 1944 à Sheffield, au Royaume-Uni, et décédé le 22 décembre 2014 à Crawford (Colorado, États-Unis). Si la nature ne lui a pas offert une voix de velours, elle lui a en revanche doté d’un organe vocal aussi râpeux qu’un vieux vinyle oublié dans un sous-sol humide. Surnommé affectueusement “le cocker à la voix de husky enrhumé”, il est resté célèbre pour ses performances vocales viscérales, ses gesticulations scéniques incontrôlables, et son talent à transformer les chansons des autres en véritables transes émotionnelles.

🐾 Enfance et jeunesse : le chiot du Yorkshire

Né dans une Angleterre encore sous le joug des rationnements, Joe Cocker grandit à Sheffield, entre les cheminées d’usines et les nuages de charbon. Il fait ses premières armes musicales en miaulant maladroitement dans sa salle de bain, avant de se découvrir une passion pour le skiffle, puis pour le blues américain, qu’il adopte avec la ferveur d’un teckel découvrant un os oublié.

Son premier nom de scène ? Vance Arnold. On ne plaisante pas : à 17 ans, il croyait que ça claquait. Accompagné de son groupe “Vance Arnold and the Avengers” (rien à voir avec Iron Man), il enchaîne les concerts dans les pubs du coin, où il est applaudi, parfois hué, mais toujours remarqué pour son aboiement mélodique si singulier.

🎙️ Débuts musicaux : du pub à l’arène

C’est en 1968 que Cocker sort du chenil pour de bon. Il enregistre une reprise de “With a Little Help from My Friends” des Beatles, qu’il transforme en prière gutturale, presque animale. Ce n’est plus une chanson : c’est un hurlement d’amour, un glapissement de survivant. La version bluffe même McCartney et Lennon, qui acceptent qu’on transforme leur berceuse pop en apocalypse sonore.

Un an plus tard, Woodstock 1969 le propulse au panthéon. Sa prestation, tantôt extatique, tantôt possédée, marque les esprits. Sur scène, il ressemble à un cocker épileptique tentant d’expliquer une recette de tartiflette avec les bras. Et pourtant, ça fonctionne : le public est en transe, les caméras immortalisent la légende. On ne sait pas s’il est en train de chanter, de danser ou de faire un AVC artistique. Probablement les trois.

🐶 Signature vocale : le grognement comme art

La voix de Joe Cocker ne se contente pas de “chanter”. Elle halète, griffe, gratte, rugit. Elle ne vient pas de la gorge, mais de quelque part entre les entrailles et la truffe. En l’écoutant, on a parfois l’impression d’entendre un vieux labrador exprimer son mal d’amour après une séparation.

Ses mouvements, souvent jugés incohérents, sont en fait une chorégraphie instinctive, entre possession rock et crise de hoquet mystique. Les imitateurs auront du mal à reproduire ce style : il faut de la sincérité, de la douleur et probablement deux shots de bourbon pour atteindre ce niveau de lâcher-prise.

🎧 Les années “Wouf Wouf et Décadence”

Dans les années 70, Cocker vit la grande tournée de la démesure avec Leon Russell, baptisée Mad Dogs & Englishmen. L’équivalent musical d’un cirque itinérant croisé avec un bus de hippies sous acide. Plus de 40 musiciens, des choristes, des chiens errants (vraisemblablement), et des concerts qui se terminent parfois dans le chaos.

Mais derrière les spotlights, l’homme vacille. Addictions, épuisement, alcool, et un sens de l’orientation artistique qui part un peu en laisse. Certains concerts sont annulés, d’autres oubliés. Joe perd pied, mais jamais sa voix.

🔄 Le comeback du vieux chien

Dans les années 80, Cocker revient du fond de la niche grâce à un tube inattendu : “Up Where We Belong”, en duo avec Jennifer Warnes, pour la bande originale du film An Officer and a Gentleman. Succès international, Grammy Award, et un retour en grâce aussi inattendu qu’un border collie sur une piste de danse.

Puis viennent d’autres titres qui le remettent au centre de la scène, comme “You Can Leave Your Hat On”, idéal pour se désaper avec classe, ou “Unchain My Heart”, qui confirme que la voix a beau vieillir, elle reste capable de faire vibrer les rideaux.

🏅 Distinctions et respect éternel

Joe Cocker ne courait pas après les trophées, mais ils finirent par venir jusqu’à lui. En 2007, il est fait Officier de l’Ordre de l’Empire britannique (OBE). Même la Reine, paraît-il, a eu un petit mouvement de bras façon Cocker en l’écoutant.

Il continue de sortir des albums jusqu’à la fin des années 2000, avec une régularité de vieux chien fidèle : pas forcément révolutionnaires, mais toujours intègres, habités, et bien produits.

🌈 Derniers jours et postérité

Joe Cocker décède le 22 décembre 2014, à 70 ans, dans son ranch du Colorado, des suites d’un cancer du poumon. Il laisse derrière lui une œuvre sincère, brute, jamais tiède, et une empreinte vocale que personne n’a réussi à imiter sans se faire une déchirure abdominale.

Les hommages pleuvent. Musiciens, fans, critiques s’accordent : Joe était unique, un interprète plus qu’un auteur, mais capable de sublimer n’importe quelle chanson en la grattant avec l’âme.

🎼 Style musical et influence

Cocker s’inscrit dans la tradition des chanteurs de blues, de rock et de soul, mais avec une dimension presque théâtrale. À l’instar de Ray Charles ou Otis Redding, il ne racontait pas une chanson, il l’incarnait. Les nouvelles générations, de Bryan Adams à Michael Bolton, ont reconnu son influence.

Il reste un modèle de résilience artistique, prouvant qu’on peut avoir une voix cassée, une gestuelle de dingo et un cœur immense, et marquer l’histoire de la musique sans écrire une seule note originale.

📌 Anecdotes notables :

• Il a chanté à poil dans sa loge, mais toujours habillé sur scène.
• Il considérait que ses mouvements venaient “du son qui voyage dans son corps”. Pas sûr, mais on valide.
• La version de With a Little Help from My Friends est utilisée comme générique de la série The Wonder Years, marquant ainsi toute une génération.